Tout le monde il est beau, tout le monde il est sexy

La photo de charme n’est plus réservée aux magazines érotiques ou pornographiques et a d’autres desseins que de montrer des corps dans leur nudité crue. En vogue : le portrait de madame Tout-le-monde parée de lingerie coquine dans des poses sexy et des ambiances de salon boudoir. Ça devrait être remboursé par la sécurité sociale ! », s’exclame Sylvie, bientôt 57 ans, qui prépare sa troisième séance photo en trois ans. Elle fera le voyage depuis la Bourgogne pour rencontrer, en Normandie, son photographe officiel, celui qui, dit-elle, « [l’a] révélée », Michel Lévy. Sur les clichés des deux dernières années, elle pose en lingerie rouge et noire et accessoires coquins, dans des atmosphères de satin et de velours, à la mode des filles de joie de saloon.
Photos de nu, de charme, érotiques, glamour, sexy, sensuelles, autant de termes qui évoquent aujourd’hui bien plus que la vulgarité sans mise en scène. L’image de la pin-up des années 80 ou 90 est désuète. Désormais, les concepts de « photothérapie », déposé par le photographe Wecksteen, ou « photo boudoir » et « photo bien-être », par Michel Lévy, invitent la « femme ordinaire » à jouer avec l’objectif. « Beaucoup sont dans une démarche de reconquête de leur image après une séparation ou une maladie, elles ont envie de se voir belles », éclaire Michel Lévy. Il fait d’ailleurs référence à l’émission « Belle toute nue » sur M6, qui rhabille, recoiffe, remaquille une femme complexée, avant qu’elle réussisse à se trouver jolie dans le plus simple appareil, du moins à se faire photographier.
Beaucoup sont des modèles d’un jour.

La démarche de Sylvie s’accompagne d’un changement de vie : un nouveau mariage et une envie de passer à une étape supérieure dans la féminité. « J’ai toujours été le clown de service. Il fallait que je montre que je ne suis pas un être asexué qui rigole tout le temps. Grâce à la photo, j’ai l’im¬pression d’avoir été une petite fille qui est devenue femme. » Michel Lévy insiste sur la relation de confiance qui doit s’installer entre le photographe et son modèle. « On se parle beaucoup avant, et il faut adopter une attitude qui ne laisse aucune ambigüité, dit-il. Je l’accompagne pendant la séance, je lui dis qu’elle est très belle. Une fois, l’une d’elles s’est mise à pleurer, “cela fait des années qu’on ne m’a pas regardée comme ça ” m’a-t-elle dit. »
Parmi la clientèle du photographe Ghislain Posscat, « 80% sont des modèles d’un jour ». Lui a exploré un concept de photo de nu dans des sites abandonnés à la végétation luxuriante, où « il y a deux personnages, la femme et la nature ». Pour lui, « les gens ont envie d’avoir des images d’eux, c’est dans l’air du temps ». Réseaux sociaux et mode du selfie résonnent. « Valoriser son corps sous l’œil d’un professionnel est devenu une étape importante dans l’estime de soi », ajoute-t-il. Si bien que de nombreux photographes se sont lancés sur ce créneau comme ils feraient des photos de mariage ou de famille. Posscat facture jusqu’à dix fois plus cher que les plus compétitifs pour gager de la qualité de ses clichés.

« Il m’a choisie comme muse »

Sophie, dite Sof Angel, vit dans les Ardennes et pose depuis quatre ans, dont trois avec Michel Lévy. « Je ne fais du charme qu’avec lui et il aime aussi créer avec moi, c’est pour ça qu’il m’a choisie comme muse. » Sa voix tremble légèrement : « C ’est parce que cela fait plus d’un an que je n’y suis pas retournée, j’ai un peu perdu confiance en moi. » Ces quelques jours passés à Caen, sous l’œil du photographe, sont pour elle capitaux : « Je vis seule avec deux enfants. Faire 600 km pour cette expérience me vide l’esprit, c’est nécessaire. » En 2011, elle vient d’avoir son second enfant et a besoin de se redécouvrir, « de se voir belle ». Aujourd’hui, Sof Angel, modèle aguerri, a un book et le désir de se faire connaître. Si elle a fait la couverture de l’ouvrage Leçons de photographie érotique, de Michel Lévy, paru aux Éditions Tabou, elle attend toujours de vivre de ses photos.

Une sexualité elle aussi plus affirmée

Les « modèles d’un jour », elles, gardent leurs photos pour elles. Souvenirs, immortalisation d’un corps sublimé ou objets de tous les fantasmes pour le conjoint, ces clichés érotiques s’accompagnent souvent d’une sexualité elle aussi plus affirmée. « Sur le plan du couple, ça a libéré quelque chose, confie Sylvie. On a envie de faire les choses différemment, pas platement. Avec mon mari, quand on voit des vêtements qui pourraient entrer dans une mise en scène, on les prend. » Elle continue de porter, en privé, la lingerie achetée pour les séances photo et, dans un autre registre, s’est mise à chanter sur les scènes de sa région.
« La donnée sexuelle est très présente, elle va évidemment avec le reste, confirme Posscat. Prendre confiance en son corps donne aussi envie de s’ouvrir aux autres. » Lui va même recruter ses modèles dans certaines milieux où l’image, l’esthétique du corps et la nudité sont éminents, comme les libertins ou les tatoués. Il ne cache pas y être « connu comme le loup blanc ». « Ça aide, dit-il. Il ne suffit pas d’être un bon photographe, il faut aussi savoir démarcher auprès des bonnes personnes. » Des femmes, évidemment. Car si l’idée vient parfois des hommes, c’est presque toujours pour mettre leur compagne en valeur. « Il m’est arrivé d’avoir des couples libertins, qui voulaient être pris en photo ensemble, mais en général, l’homme assiste à la séance de sa femme », souligne Michel Lévy. Et quand il apparaît sur quelques photos, il n’est jamais dénudé.

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V.T.

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